Fantaisies

Jouer avec l’anglais est une chose, cela ne m’empêche pas moins de vouloir m’amuser un peu en français de temps à autre…

Stances à un auteur-compositeur

Ma lettre de présentation à Brassens en quelque sorte
dans des mots qui lui font écho.

La oui demande en mariage

Sacrilège? Non, juste un petit clin d’oeil et cadeau de noces à un couple d’amis francophones et brassenophiles. Je leur ai chanté lors de leur cérémonie de mariage, officiée à bord d’un bateau le long du fleuve Yukon.

Sète à Vaison-la-Romaine

Chanson à la manière du tonton en souvenir d’un festival digne de son nom, en bonne compagnie de gais lurons.

La guerre de 14-18 redite

Chanson réactualisée au mauvais goût du jour et de l’Histoire.

Il suffit de faire le pont

J’ai pris malin plaisir à faire cette refonte en bon vieux parigot.

Le joueur de guitalélé (Guitalele Man)

Le joueur de guitalélé
Menait la musique au palais
Pour la grâce de ses chansons
Le roi lui offrit un blason
Je ne veux pas être noble
Répondit le croque-note
Avec un blason à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait, par tout le pays
Le petit trouvère a trahi.

Et mon pauvre petit clocher
Me semblerait trop bas perché
Je ne plierais plus, les genoux
Devant le bon Dieu de chez nous
Il faudrait à ma grande âme
Tous les saints de Notre-Dame
Avec un évêque à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait, par tout le pays
Le petit trouvère a trahi.

Et la chambre où j’ai vu le jour
Me serait un triste séjour
Je quitterais mon lit mesquin
Pour une couche à baldaquin
Je changerais ma chaumière
Pour une gentilhommière
Avec un manoir à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait, par tout le pays
Le petit trouvère a trahi.

Je serais honteux de mon sang
Des aïeux de qui je descends
On me verrait bouder dessus
La branche dont je suis issu
Je voudrais un magnifique
Arbre généalogique
Avec du sang bleu à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait, par tout le pays
Le petit trouvère a trahi.

Je ne voudrais plus épouser
Ma promise, ma fiancée
Je ne donnerais pas mon nom
A une quelconque Ninon
Il me faudrait pour compagne
La fille d’un grand d’Espagne
Avec une princesse à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait, par tout le pays
Le petit trouvère a trahi.

Le joueur de guitalélé
Fit la révérence au palais
Sans armoiries, sans parchemin
Sans gloire, il se mit en chemin
Vers son clocher, sa chaumine
Ses parents et sa promise
Nul ne dise, dans le pays
Le petit trouvère a trahi
Et Dieu reconnaisse pour sien
Le brave petit musicien.

The guitalélé man of sorts
Was playing up at the King’s court
For his musical wit and charm
The king offered him coat of arms
I do not wish to be peer
Responded the balladeer
With a coat of arms on its staff
My music would no longer laugh
Everyone would say all about
The little strummer has sold out.

The little church of my village
Would seem common an assemblage
I would not want to kneel before
The saints that our peasants adore
I would need for my prayer’s call
The grandeur of a cathedral
With an archbishop on its staff
My music would no longer laugh
Everyone would say all about
The little strummer has sold out.

The humble abode of my birth
Would lie too low upon the earth
I would renounce my simple bed
For one sewn with a silver thread
I would trade my little cottage
For a princely hermitage
With a grand manor on its staff
My music would no longer laugh
Everyone would say all about
The little strummer has sold out.

I would feel ever-growing scorn
For all those of whom I am born
I would be quick to disparage
The lowly roots of my lineage
I would want the sap of gentry
To flow in my family tree
With blue blood all over its staff
My music would no longer laugh
Everyone would say all about
The little strummer has sold out.

I would no longer wish to wed
The one who belongs in my bed
I would not want to share my name
With station lower than a dame
I would need to marry no less
Than a marquise or a duchess
With a grand lady on its staff
My music would no longer laugh
Everyone would say all about
The little strummer has sold out.

The guitalélé man of sorts
Did a curtsey at the King’s court
With no coat of arms, with no shield
He headed back across the field
To his parish, to his hovel
His family, his beloved
May no one utter all about
The little strummer has sold out
And may God welcome in his heart
A music man true to his art.

La guerre de 14-18 redite

Note

En traduisant La guerre de 14-18 en anglais, j’avais pris la liberté d’ajouter à son contenu un couplet plus contemporain. Plutôt que d’ajouter ce couplet en français à l’original, jai finalement pris le parti de complètement réactualiser la chanson.

Depuis que l’homme écrit l’Histoire
Depuis qu’il bataille à cœur joie
Entre mille et une guerr’ notoires
Si j’étais t’nu de faire un choix
Comme un vieux tonton qui m’est cher
Je déclarerais tout de suite:
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

Tout comme lui je ne méprise
Les nobles guerres de jadis
Et je m’ soucie comm’ d’un’ cerise
De celle de soixante-dix
Les guerr’s d’antan ont tout pour plaire
Depuis d’autres ont pris leur suite
Mais, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit

Je sais que les plus grands despotes
Donnèrent à manger aux corbeaux
Qu’Adolphe, Joseph et leurs potes
Fir’nt à la Camarde un cadeau
Ils savaient passer peuple au fer
On n’ les oubliera pas tout d’ suite
Mais, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit.

On est en droit de rechigner
Devant nos guerres en Asie
Marianne a mal indochiné
Et d’ailleurs l’oncle Sam aussi
Le Vietnam s’est tiré d’affaire
Mais la Corée a ses limites
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

Je n’ voudrais pas faire fine bouche
Devant les guerres du désert
J’applaudirais les tontons Bush
Quand ils jouaient au beau légionnaire
Mais en dépit de leurs grands airs
Les freedom fries restaient des frites
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

Il va sans dire que l’Afrique
Est terre pleine de promesses
Ses génocidair’s coups de trique
S’abatt’nt sur des millions de fesses
Mais malgré d’innommables guerres
Le SIDA tue toujours plus vite
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

L’éternel chemin de Damas
Est pavé des pir’s intentions
Ont fait les disciples d’Hamas
Peau d’ vach’ de la fill’ de Sion
La fronde qui a fait l’affaire
A fait place à la dynamite
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

La vieille Europe peut se targuer
D’avoir d’augustes facultés
Elle n’a pas pour autant largué
La faculté de s’entretuer
Il suffit d’un seul bras de fer
Pour que les façades s’effritent
Moi, mon colon, cell’ que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

La ball’ se pass’ de père en fils
Ils ont fière allure nos moutons
Mais le plus grand feu d’artifice
Viendra d’une guerre de boutons
En attendant la nucléaire
Je dis que ma guerr’ favorite
Cell’, mon colon, que j’voudrais faire
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit
Cell’, mon colon, que j’voudrais faire
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit!

D. Delahaye, 2004 rev. 2024

Version originale

Sète à Vaison-la-romaine

Chanson à la manière du tonton Georges en souvenir d’un festival digne de son nom, en bonne compagnie de gais lurons.

C’est à Vaison-la-romaine
Que nous baisons la romaine
La belle Flora
Pompée déflora
La grande Agrippine
Agrippe on sait quoi
C’est à Vaison-la-romaine
Que verte saison nous amène.

Sète à Vaison-la-romaine
Juste raison nous amène
Du soir au matin
Guitares en main
Sur un air de vin
On chante à sa faim
C’est à Vaison-la-romaine
Qu’un certain tonton nous amène.

C’est à Vaison-la-romaine
Que tonton Jo nous ramène
Depuis gui l’an neuf
On y fait le bœuf
Même qu’en deux-mille-six
Ça fait déjà dix
Ans qu’à Vaison-la-romaine
Le vieux Léon se promène.

C’est à Vaison-la-romaine
Qu’on voit, sacré phénomène
Le convoi du cœur
Chanter à chœur joie
“Pauvre fossoyeur”
Et “Putain de toi”
C’est à Vaison-la-romaine
Qu’on va digue digue dondaine.

C’est à Vaison-la-romaine
Qu’autour de claire fontaine
Les copains d’antan
Et ceux de demain
Fi du monde et temps
Se tendent la main
C’est à Vaison-la-romaine
Qu’il y a des petit’s fleur’s. Amen.

C’est à Vaison-la-romaine
Que nous baisons la romaine
La belle Flora
Pompée déflora
La grande Agrippine
Agrippe on sait quoi
C’est à Vaison-la-romaine
Que file, file Philomène.

D. Delahaye, 2005

La oui demande en mariage

Ma mie, de grâce, ne rendons
Pas au polisson cupidon
Sa propre flèche
Après l’avoir bien essayée
Préservons pour l’éternité
Son sortilège

Refrain:
J´ai l´honneur d’au—
jourd’hui te demander ta main
Gravons, bon pas, nos noms
au bas d´un parchemin.

Le champs reste libre à l´oiseau
Sans que nous ne soyons priso-
-nniers sur parole
Et vive la maîtresse queux
Qui attache nos cœurs aux queues
Des casseroles !
Refrain

Vénus se fait vielle souvent
S’embellit ce faisant devant
La lèchefrite
Pour toujours avec toi je veux
Effeuiller dans le pot-au-feu
La marguerite.
Refrain

On ajoute bien des attraits
En engendrant petits secrets
De Mélusine
L´encre des billets doux pâlit
Mais son doux arôme remplit
Notre cuisine.
Refrain

Mon âme, il est de tout repos
De mariner au fonds d’un pot
De confiture
La jolie pomme de l’amour
Qui pour nous gardera toujours
Son goût nature.
Refrain

De servants il n´est pas besoin
Mais du ménage et de ses soins
On s’en balance
Qu´en éternelle fiancée
À la dame mon épousée
Toujours je pense.
Refrain

D. Delahaye, 2004

La route aux quatre chansons

J’ai pris la route de Dijon
Pour voir un peu la Marjolaine
La belle digue digue don
Qui pleurait près de la fontaine
Mais elle avait changé de ton
Il lui fallait des ducatons
Dedans son bas de laine
Pour n’avoir plus de peine
Elle m’a dit tu viens chéri
Et si tu me payes un bon prix
Aux anges je t’emmène
Digue digue don daine

La Marjolaine pleurait surtout
Quand elle n’avait pas de sous
La Marjolaine de la chanson
Avait de plus nobles façons

J’ai passé le pont d’Avignon
Pour voir un peu les belles dames
Et les beaux messieurs tous en rond
Qui dansaient dansaient corps et âmes
Mais ils avaient changé de ton
Ils faisaient fi des rigodons
Menuets et pavanes
Tarentelles sardanes
Et les belles dames m’ont dit ceci
Étranger sauve-toi d’ici
Ou l’on donne l’alarme
Aux chiens et aux gendarmes

Quelle mouche les a donc piquées
Ces belles dames si distinguées
Les belles dames de la chanson
Avaient de plus nobles façons

Je m’suis fait faire prisonnier
Dans les vieilles prisons de Nantes
Pour voir la fille du geôlier
Qui paraît-il est avenante
Mais elle avait changé de ton
Quand j’ai demandé que dit-on
Des affaires courantes
Dans la ville de Nantes
La mignonne m’a répondu
On dit que vous serez pendu
Aux matines sonnantes
Et j’en suis bien contente

Les geôlières n’ont plus de coeur
Aux prisons de Nantes et d’ailleurs
La geôlière de la chanson
Avait de plus nobles façons

Voulant mener à bonne fin
Ma folle course vagabonde
Vers mes pénates je revins
Pour dormir auprès de ma blonde
Mais elle avait changé de ton
Avec elle sous l’édredon
Il y avait du monde
Dormant près de ma blonde
J’ai pris le coup d’un air blagueur
Mais en cachette dans mon coeur
La peine était profonde
L’chagrin lâchait la bonde

Hélas du jardin de mon père
La colombe s’est fait la paire
Par bonheur par consolation
Me sont restées les quatre chansons.

Depuis longtemps une de mes favorites, c’est la chanson que j’ai convaincu d’adorables acolytes à chanter avec moi pour une première apparition sur la scène du Centre des Arts du Yukon, il y a 20 ans passés…

VIII (1964)
Les copains d’abord Buddies All Aboard
Les Quat’z’arts
Le petit joueur de flûteau The Little Piper
La tondue Shear Terror
Le 22 septembre September 12
Les deux oncles
La route aux quatre chansons
Saturne Fall Flower

Les deux oncles

C’était l’oncle Martin, c’était l’oncle Gaston
L’un aimait les Tommies, l’autre aimait les Teutons
Chacun pour ses amis, tous les deux ils sont morts
Moi qui n’aimais personne, eh bien ! je vis encor

Maintenant, chers tontons, que les temps ont coulé
Que vos veuves de guerre ont enfin convolé
Que l’on a requinqué, dans le ciel de Verdun
Les étoiles ternies du maréchal Pétain

Maintenant que vos controverses se sont tues
Qu’on s’est bien partagé les cordes des pendus
Maintenant que John Bull nous boude, maintenant
Que c’en est fini des querelles d’Allemand

Que vos filles et vos fils vont, main dans la main
Faire l’amour ensemble et l’Europe de demain
Qu’ils se soucient de vos batailles presque autant
Que l’on se souciait des guerres de Cent Ans

On peut vous l’avouer maintenant, chers tontons
Vous l’ami les Tommies, vous l’ami des Teutons
Que de vos vérités, vos contrevérités
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité

De vos épurations, vos collaborations
Vos abominations et vos désolations
De vos plats de choucroute et vos tasses de thé
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité

En dépit de ces souvenirs qu’on commémore
Des flammes qu’on ranime aux monuments aux Morts
Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous
Révérence parler, tout le monde s’en fout

La vie, comme dit l’autre, a repris tous ses droits
Elles ne font plus beaucoup d’ombre, vos deux croix
Et, petit à petit, vous voilà devenus
L’Arc de Triomphe en moins, des soldats inconnus

Maintenant, j’en suis sûr, chers malheureux tontons
Vous l’ami des Tommies, vous l’ami des Teutons
Si vous aviez vécu, si vous étiez ici
C’est vous qui chanteriez la chanson que voici

Chanteriez en trinquant ensemble à vos santés
Qu’il est fou de perdre la vie pour des idées
Des idées comme ça qui viennent et qui font
Trois petits tours, trois petits morts, et puis s’en vont

Qu’aucune idée sur terre n’est digne d’un trépas
Qu’il faut laisser ce rôle à ceux qui n’en ont pas
Que prendre sur-le-champ l’ennemi comme il vient
C’est de la bouillie pour les chats et pour les chiens

Qu’au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi
Mieux vaut attendre un peu qu’on le change en ami
Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main
Mieux vaut toujours remettre une salve à demain

Que les seuls généraux qu’on doit suivre aux talons
Ce sont les généraux des p’tits soldats de plomb
Ainsi chanteriez-vous tous les deux en suivant
Malbrough qui va-t-en guerre au pays des enfants

O vous qui prenez aujourd’hui la clé des cieux
Vous les heureux coquins qui ce soir verrez Dieu
Quand vous rencontrerez mes deux oncles là-bas
Offrez-leur de ma part ces “Ne m’oubliez pas”

Ces deux myosotis fleuris dans mon jardin
Un p’tit forget me not pour mon oncle Martin
Un p’tit vergiss mein nicht pour mon oncle Gaston
Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons…

G. Brassens, 1964

Chanson de Georges Brassens qui fit polémique à sa sortie en 1964 et continue de le faire. Mettons de côté l’allégorie controversée, le message reste hélas d’actualité: ce n’est pas 6 pieds sous terre que les différends seront réglés et que l’homme va progresser. Il n’en trouve pas moins et toujours raison de s’entretuer. On n’en finit pas, chantons-le sous les toits.

VIII (1964)
Les copains d’abord Buddies All Aboard
Les Quat’z’arts
Le petit joueur de flûteau The Little Piper
La tondue Shear Terror
Le 22 septembre September 12
Les deux oncles
La route aux quatre chansons
Saturne Fall Flower

La religieuse

Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette
Si le chrétien succombe à son charme insidieux
Le païen le plus sûr, l’athée le plus honnête
Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu
Et les enfants de chœur font tinter leur sonnette…

Il paraît que, dessous sa cornette fatale
Qu’elle arbore à la messe avec tant de rigueur
Cette petite sœur cache, c’est un scandale
Une queue de cheval et des accroche-cœurs
Et les enfants de chœur s’agitent dans les stalles…

Il paraît que, dessous son gros habit de bure
Elle porte coquettement des bas de soie
Festons, frivolités, fanfreluches, guipures
Enfin tout ce qu’il faut pour que le diable y soit
Et les enfants de chœur ont des pensées impures…

Il paraît que le soir, en voici bien d’une autre
A l’heure où ses consœurs sont sagement couchées
Ou débitent pieusement des patenôtres
Elle se déshabille devant sa psyché
Et les enfants de chœur ont la fièvre, les pauvres…

Il paraît qu’à loisir elle se mire nue
De face, de profil, et même, hélas, de dos
Après avoir, sans gêne, accroché sa tenue
Aux branches de la croix comme au portemanteau
Chez les enfants de chœur le malin s’insinue…

Il paraît que, levant au ciel un œil complice
Elle dit : Bravo, Seigneur, c’est du joli travail
Puis qu’elle ajoute avec encor plus de malice
La cambrure des reins, ça, c’est une trouvaille
Et les enfants de chœur souffrent un vrai supplice…

Il paraît qu’à minuit, bonne mère, c’est pire
On entend se mêler, dans d’étranges accords
La voix énamourée des anges qui soupirent
Et celle de la sœur criant Encor! Encor!
Et les enfants de chœur, les malheureux, transpirent…

Et monsieur le curé, que ces bruits turlupinent
Se dit avec raison que le brave Jésus
Avec sa tête, hélas, déjà chargée d’épines
N’a certes pas besoin d’autre chose dessus
Et les enfants de chœur, branlant du chef, opinent…

Tout ça, c’est des faux bruits, des ragots, des sornettes
De basses calomnies par Satan répandues
Pas plus d’accroche-cœurs sous la blanche cornette
Que de queue de cheval, mais un crâne tondu
Et les enfants de chœur en font, une binette…

Pas de troubles penchants dans ce cœur rigoriste
Sous cet austère habit pas de rubans suspects
On ne verra jamais la corne au front du Christ
Le veinard sur sa croix peut s’endormir en paix
Et les enfants de chœur se masturber, tout tristes…

G. Brassens, 1969

X (1969)
Misogynie à part Misogyny Aside
Bécassine Lucie Lassie
L’ancêtre Old-Timer
Rien à jeter Nothing To Throw Away
La religieuse

Les amours d’antan

Moi, mes amours d’antan c’était de la grisette
Margot, la blanche caille, et Fanchon, la cousette
Pas la moindre noblesse, excusez-moi du peu
C’étaient, me direz-vous, des grâces roturières
Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière
Mon prince, on a les dam’s du temps jadis qu’on peut.

Car le cœur à vingt ans se pose où l’œil se pose
Le premier cotillon venu vous en impose
La plus humble bergère est un morceau de roi
Ça manquait de marquise, on connut la soubrette
Faute de fleur de lys on eut la pâquerette
Au printemps Cupidon fait flèche de tout bois.

On rencontrait la belle aux Puces, le dimanche
“Je te plais, tu me plais…” et c’était dans la manche
Et les grands sentiments n’étaient pas de rigueur
“Je te plais, tu me plais. Viens donc beau militaire”
Dans un train de banlieue on partait pour Cythère
On n’était pas tenu même d’apporter son cœur…

Mimi, de prime abord, payait guère de mine
Chez son fourreur sans doute on ignorait l’hermine
Son habit sortait point de l’atelier d’un dieu
Mais quand, par-dessus le moulin de la Galette
Elle jetait pour vous sa parure simplette
C’est Psyché tout entier’ qui vous sautait aux yeux.

Au second rendez-vous y’ avait parfois personne
Elle avait fait faux bond, la petite amazone
Mais l’on ne courait pas se pendre pour autant
La marguerite commence avec Suzette
On finissait de l’effeuiller avec Lisette
Et l’amour y trouvait quand même son content.

C’étaient, me direz-vous, des grâces roturières
Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière
Mais c’étaient mes amours, excusez-moi du peu
Des Manon, des Mimi, des Suzon, des Musette
Margot la blanche caille, et Fanchon, la cousette
Mon prince, on a les dam’s du temps jadis qu’on peut.

G. Brassens, 1962

VII (1962)
Jeanne Joan Of Heart
Dans l’eau de la claire fontaine In Forest Pond
La guerre de 14-18 WW I
Les amours d’antan
Marquise
L’assassinat Manslaughter
La complainte des filles de joie Ladies Of Pleasure’s Lament

Les lilas

Quand je vais chez la fleuriste
Je n’achèt’ que des lilas
Si ma chanson chante triste
C’est que l’amour n’est plus là.

Comm’ j’étais, en quelque sorte
Amoureux de ces fleurs-là
Je suis entré par la porte
Par la porte des Lilas.

Des lilas, y’en avait guère
Des lilas, y’en avait pas
Z’étaient tous morts à la guerre
Passés de vie à trépas.

J’suis tombé sur une belle
Qui fleurissait un peu là
J’ai voulu greffer sur elle
Mon amour pour les lilas.

J’ai marqué d’une croix blanche
Le jour où l’on s’envola
Accrochés à une branche
Une branche de lilas.

Pauvre amour, tiens bon la barre
Le temps va passer par là
Et le temps est un barbare
Dans le genre d’Attila.

Aux cœurs où son cheval passe
L’amour ne repousse pas
Aux quatre coins de l’espace
Il fait l’ désert sous ses pas.

Alors nos amours sont mortes
Envolées dans l’au-delà
Laissant la clé sous la porte
Sous la porte des Lilas.

La fauvette des dimanches
Cell’ qui me donnait le la
S’est perchée sur d’autres branches
D’autres branches de lilas.

Quand je vais chez la fleuriste
Je n’achèt’ que des lilas
Si ma chanson chante triste
C’est que l’amour n’est plus là.

G. Brassens, 1957

IV (1955-1957)
Je m’suis fait tout p’tit For A Little Doll
L’amandier The Cherry Tree
Oncle Archibald Uncle Archie
Les lilas
Au bois de mon cœur In My Heart’s Backyard
Celui qui a mal tourné One Bad Egg
Les Philistins