Stances à un auteur-compositeur

Ma lettre de présentation à Brassens en quelque sorte, dans des mots qui lui font écho.

Prince des mots en vers et de la gaudriole
Toi dont j’ai visité la tombe et la maison
Cependant qu’au-delà tu fais des cabrioles
En ton nom en anglais je refais tes chansons.

Sache que j’apprécie à leur valeur du reste
Les mots que tu égrèn’s dans un français d’antan
La langue de Molièr’ te sied comme une veste
Mais elle n’en est qu’une, faut vivre avec son temps.

La contrée de mon choix en est une il s’avère
Où notre franc parler n’a qu’une piètre emprise
Il devint nécessaire de traduire tes vers
Tes gauloiseries valaient bien d’être comprises.

Séquelle d’un bourgeon qui éclot sur le tard
Si dès mes dix-huit ans j’ai mis ailleurs le cap
Tes chansons languissaient dans mes cœur et guitare
Je les ressors au loin dans une ultime étape.

Pour toutes ces raisons, vois-tu, je te fredonne
Dans la langue de mon Nord, et des américains
Ce que tu m’as offert, à d’autres je le donne
Ça aurait pu tomber en de bien pires mains.

D’ailleurs, moi qui me gratte avec tes chansonnettes
Si je devais un jour rencontrer le succès
Je n’en finirais pas de tirer ta sonnette
Je deviendrais un peu ton complice, qui sait ?

Foi de ce que tu dis avecques tant de charme
Au plus profond de moi résonne d’un soupir
Dans le parler barbar’ je raffûte ton arme
Et je bats la campagne au nom de ton empire.

Mots-en-vers, mon ami, que ton bien me profite
Que ta muse m’accorde une honnête pension
Sans remords, toi et moi jamais ne serons quittes
Je te devrai toujours cent-dix-neuf(e) chansons.

Post-scriptum, si Mariann’ est cell’ que tu préfères
Sache qu’on apprécie ailleurs le calendo’
Alors outre-Atlantique, chante avec moi tes vers
Tandis que l’hexagon’ se tape des MacDo’.

D. Delahaye, 2013

Stances à un cambrioleur

Prince des monte-en-l’air et de la cambriole
Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison
Cependant que je colportais mes gaudrioles
En ton honneur j’ai composé cette chanson.

Sache que j’apprécie à sa valeur le geste
Qui te fit bien fermer la porte en repartant
De peur que des rôdeurs n’emportassent le reste
Des voleurs comme il faut c’est rare de ce temps.

Tu ne m’as dérobé que le stricte nécessaire
Délaissant dédaigneux l’exécrable portrait
Que l’on m’avait offert à mon anniversaire
Quel bon critique d’art mon salaud tu ferais.

Autre signe indiquant toute absence de tare
Respectueux du brave travailleur tu n’as
Pas cru décent de me priver de ma guitare
Solidarité sainte de l’artisanat.

Pour toutes ces raisons vois-tu, je te pardonne
Sans arrière-pensée après mûr examen
Ce que tu m’as volé, mon vieux, je te le donne
Ça pouvait pas tomber en de meilleures mains.

D’ailleurs moi qui te parle, avec mes chansonnettes
Si je n’avais pas dû rencontrer le succès
J’aurais tout comme toi, pu virer malhonnête
Je serais devenu ton complice, qui sait.

En vendant ton butin, prends garde au marchandage
Ne vas pas tout lâcher en solde au receleurs
Tiens leur la dragée haute en évoquant l’adage
Qui dit que ces gens-là sont pis que les voleurs.

Fort de ce que je n’ai pas sonné les gendarmes
Ne te crois pas du tout tenu de revenir
Ta moindre récidive abolirait le charme
Laisse-moi je t’en prie, sur un bon souvenir.

Monte-en-l’air, mon ami, que mon bien te profite
Que Mercure te préserve de la prison
Et pas trop de remords, d’ailleurs nous sommes quittes
Après tout ne te dois-je pas une chanson.

Post-scriptum, si le vol est l’art que tu préfères
Ta seule vocation, ton unique talent
Prends donc pignon sur rue, mets-toi dans les affaires
Et tu auras les flics même comme chalands.

G. Brassens, 1972

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