Poème de Paul Fort: L’amour marin, 1900
La Marine
Version éditée et mise en musique par
G. Brassens, 1953
On les r’trouve en raccourci
Dans nos p’tits amours d’un jour
Tout’s les joies, tous les soucis
Des amours qui dur’nt toujours
C’est là l’ sort de la marine
Et de tout’s nos petit’s chéries
On accoste, vite un bec
Pour nos baisers, l’ corps avec!
Et les joies et les bouderies
Les fâcheries, les bons retours
On les r’trouve en racourci
Dans nos p’tits amours d’un jour.
On a ri, on s’est baisé
Sur les neunœils, sur les nénés
Dans les ch’veux à pleins bécots
Pondus comm’ des œufs tout chauds!
Tout c’ qu’on fait dans un seul jour
Et comme on allonge le temps
Plus d’ trois fois dans un seul jour
Content, pas content, content!
Y a dans la chambre une odeur
D’amour tendre et de goudron
Ca vous met la joie dans le cœur
La peine aussi et c’est bon.
On n’est pas la pour causer
Mais on pens’ mêm’ dans l’amour
On pens’ que d’main y f’ra jour
Et qu’ c’est un’ calamité.
C’est là l’ sort de la marine
Et de tout’s nos petit’s chéries
On accost’ mais on devine
Qu’ ça s’ra pas le paradis!
On aura beau s’dépécher
Fair’ bon dieu, la pige au temps
Et l’ bourrer d’tous nos pêchés
Ca n’ s’ra pas ça et pourtant…
Tout’s les joies, tous les soucis
Des amours qui dur’nt toujours
On les r’trouvent en raccourci
Dans nos p’tits amours d’un jour.
L’amour marin
Version intégrale adaptée par
D. Delahaye, 2007
On les r’trouve en raccourci
Dans nos p’tits amours d’un jour
Tout’s les joies, tous les soucis
Des amours qui dur’nt toujours
C’est là l’ sort de la marine
Et de tout’s nos petit’s chéries
On accoste, vite un bec
Pour nos baisers, l’ corps avec!
Et les joies et les bouderies
Les fâcheries, les bons retours
On les r’trouve en racourci
Dans nos p’tits amours d’un jour.
On a ri, on s’est baisé
Sur les neunœils, sur les nénés
Dans les ch’veux à pleins bécots
Pondus comm’ des œufs tout chauds!
Tout c’ qu’on fait dans un seul jour
Et comme on allonge le temps
Plus d’ trois fois dans un seul jour
Content, pas content, content!
Y a dans la chambre une odeur
D’amour tendre et de goudron
Ca vous met la joie dans le cœur
La peine aussi et c’est bon.
On n’est pas la pour causer
Mais on pens’ mêm’ dans l’amour
On pens’ que d’main y f’ra jour
Et qu’ c’est un’ calamité.
C’est là l’ sort de la marine
Et de tout’s nos petit’s chéries
On accost’ mais on devine
Qu’ ça s’ra pas le paradis!
On aura beau s’dépécher
Fair’ bon dieu, la pige au temps
Et l’ bourrer d’tous nos pêchés
Ca n’ s’ra pas ça et pourtant…
Tout’s les joies, tous les soucis
Des amours qui dur’nt toujours
On les r’trouvent en raccourci
Dans nos p’tits amours d’un jour.
on s’en est allé le matin
souffler les chandelles des prés
ça fatigue une catin
ça n’y est pas habitué
on s’est relevé des bleuets
les joues rouges et le cœur en joie
en effeuillant sur les blés
une grand’ marguerite jaune
la mer ah elle est là-bas
qui respire sur les épis
et mon bateau que j’y vois
se balance sur les épis
on arrive avant d’entrer
on se regarde les bras ronds
ça m’fait clic au fond de mon fond
elle sort sa petite clef
le jour tombe on reste là
on s’met au lit c’est meilleur
on s’relève pour faire pipi
dans le joli pot à fleurs
la mer ah elle est là-bas
qui respire sur les épis
et mon bateau que j’y vois
se balance sur les épis
on allume la chandelle
on s’montre dans tout’ sa beauté
vite on se r’couche on s’relève
on s’étire c’est l’été
et l’on garde la chandelle
pour mieux se voir et s’admirer
on se jure d’être fidèle
on s’écoute soupirer
et tout à coup voilà qu’on pleure
sans trop savoir pourquoi mon dieu
et qu’on veut s’tuer tous les deux
et qu’on s’ravise cœur à cœur
alors on se dit tout’ sa vie
ça nous intéresse bien peu
mais ça n’fait rien on se la dit
et l’on croit qu’on se comprend mieux
on s’découvre des qualités
on s’connaît on s’plaint et puis
demain comme il faut se quitter
on n’dit plus rien de tout’ la nuit
la mer ah elle est là-bas
qui respire sur les épis
et mon bateau que j’y vois
se balance sur les épis
mais la nuit se continue
elle ronfle la petit’ poupée
plus doucement sur son bras nu
qu’une souris dans du blé
alors quoi faut-y pas se plaindre
alors faut-y pas bougonner
de voir la chandelle s’éteindre
en fondant sur la cheminée
on regarde au mur quelque chose
qui grimpe, grimp’ jusqu’au plafond
ah saleté c’est gris c’est rose
v’la le jour rose comme un cochon
et on pleure contre l’oreiller
y’en avait just’ un pour nous deux
ça suffit on se lève adieu
on part sans la réveiller
mais c’qui est le plus triste au fond
ç’est que pour nous qui navigons
les regrets sont tout aussi longs
des petits amours que des grands
et l’on se demand’ malheureux
quand on voulait s’tuer tous les deux
rester là s’éterniser
pourquoi qu’on s’est ravisé
Tout’s les joies, tous les soucis
Des amours qui dur’nt toujours
On les r’trouvent en raccourci
Dans nos p’tits amours d’un jour.
Seaman’s Love
English translation
D. Delahaye, 2007
You can take a shortcut to
Find in a one-day affair
All the joys, all the sorrows
Of eternal love, I swear
And so goes the sailor’s lot
And of all our lil’ sweethearts
You touch land, quick one embrace
Full lips and body at once
And the joys, and all the pouts
The snits and kiss-and-make-ups
You can find a shortcut to
In our one-day love affairs
We laughed hard, we kissed harder
On the chin-chin, the titties
By the mouthful on the hair
Smackers like a warm-laid egg
All you can do in one day
Since you give time a good run
More than three times in a day
Lucky, unlucky, who cares
There floats all over the room
A scent of love and oakum
That fills the ole heart with joy
And sorrow too, but that’s good
You’re not there to chat away
Tho’ in the midst of love you think
You think that morrow will break
And that is a true heartbreak
So it goes the sailor’s lot
And of all our lil’ sweethearts
We touch land, and we can guess
That heaven will have to wait
We can rush it all we want
And thumb our noses at time
And cram it with all our sins
That won’t do but in the end
All the joys, all the sorrows
Of eternal love, I swear
You will find a shortcut to
In our one-day love affairs
we went off in the wee morning
to blow the candles off the fields
it tires out a wench you know
when one is not used to it
we got up from the cornflowers
with ruddy cheeks and bursting heart
plucking a daisy off the wheat
a daisy with a yellow heart
the sea is there, just over there
breathing out above the chaffs
and my boat that I can see
is bobbing above the wheat
we get there and we don’t get in
we stare each other in the eye
it churns me out in my inside
she takes out her little key
night falls and you stay right there
you go to bed, that’s better
you get up to take a wiz
in the pretty flower pot
the sea is there, just over there
breathing out above the chaffs
and my boat that I can see
is bobbing above the wheat
we light up the one candle
we show off all our good looks
quick we lie down, quick we get up
we stretch a bit it’s summer
and we keep the candle on
the better to see each other
and we swear to be faithful
and we hear each other sigh
suddenly we burst into tears
without really knowing why
and we both want to end it all
and we think better of it
so we tell each other our life
even though who really cares
but never mind we spill it out
we think we know each other now
we discover some qualities
we get to know us, empathize
but since tomorrow we will part
we shut up the rest of the night
the sea is there, just over there
breathing out above the chaffs
and my boat that I can see
is bobbing above the wheat
but the night goes on and on
she is snoring the little doll
more softly on her naked arm
than a field mouse in the wheat
so what is there to bitch about
so what is there to grumble
when you see the candle go out
as it melts on the fireplace
you watch something across the wall
that goes up, up to the ceiling
damn it, it is grey, it is pink
there comes the day pink as a pig
and you cry upon the pillow
there was only one for us two
enough already you get up bye
you leave without waking her up
but in all this the saddest thing
is that for us who are sailing
regrets are as strong all the same
for any love be small or great
and you wonder with wretched heart
when we wanted to end it all
and become an eternity
why did we ever change our minds
All the joys, all the sorrows
Of eternal love, I swear
You will find a shortcut to
In our one-day love affairs
I (1952)
La mauvaise réputation Bad Rep
Le fossoyeur Gravedigger
Le gorille The Gorilla
Ballade des dames du temps jadis
Le parapluie The Umbrella
La marine L’amour marin
Corne d’Aurochs Beefalo Bill
Il suffit de passer le pont