Le verger du roi Louis

Poème de Théodore de Banville, 1866, musique: Georges Brassens, 1960

Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc et le Maure,
C’est le verger du roi Louis.

Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des pensées qu’on ignore,
Dans des tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le soleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danser dans les feux de l’aurore.
C’est le verger du roi Louis.

Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où semble luire un météore,
La rosée en l’air s’évapore,
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore.
C’est le verger du roi Louis.

Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage sonore.
C’est le verger du roi Louis !

Le verger du roi Louis – Didier Delahaye, 2023

VI (1961)
La traîtresse Traitress
Pénélope
L’orage Thunderstorm
Le mécréant
Le verger du roi Louis
Le temps passé Days Of Yore
La fille à cent sous Two-Bit Love

J’ai rendez-vous avec vous

Monseigneur l’astre solaire,
Comm’ je n’ l’admir’ pas beaucoup,
M’enlèv’ son feu, oui mais, d’ son feu, moi j’ m’en fous,
J’ai rendez-vous avec vous!
La lumièr’ que je préfère,
C’est cell’ de vos yeux jaloux,
Tout le restant m’indiffère,
J’ai rendez-vous avec vous!

Monsieur mon propriétaire,
Comm’ je lui dévaste tout,
M’ chass’ de son toit, oui mais, d’ son toit, moi je m’en fous
J’ai rendez-vous avec vous!
La demeur’ que je préfère,
C’est votre robe à froufrous,
Tout le restant m’indiffère,
J’ai rendez-vous avec vous!

Madame ma gargotière,
Comm’ je lui dois trop de sous,
M’ chass’ de sa tabl’, oui mais, d’ sa tabl’, moi j’m’en fous,
J’ai rendez-vous avec vous!
Le menu que je préfère,
C’est la chair de votre cou,
Tout le restant m’indiffère,
J’ai rendez-vous avec vous!

Sa majesté financière,
Comm’ je n’ fais rien à son goût,
Garde son or, or, de son or, moi j’ m’en fous,
J’ai rendez-vous avec vous!
La fortun’ que je préfère,
C’est votre cœur d’amadou,
Tout le restant m’indiffère,
J’ai rendez-vous avec vous!

G. Brassens, 1952

J’ai rendez-vous avec vous – Didier Delahaye, 2023

II (1953)
Les amoureux des bancs publics Park Bench Lovers
Brave Margot Margot The Milkmaid
Pauvre Martin Poor Ole Martin
La première fille The First Girl
Je suis un voyou A Rogue I Am
J’ai rendez-vous avec vous
Le vent
Il n’y a pas d’amour heureux There Is No Happy Love
La mauvaise herbe Tumbleweed
Le mauvais sujet repenti The Bottom Line
Putain de toi Ho Be Thee

Marquise

Stances à Marquise, de Pierre Corneille

Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux
Souvenez-vous qu’à mon âge vous ne vaudrez guère mieux
Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux
Souvenez-vous qu’à mon âge vous ne vaudrez guère mieux

Le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront
Il saura faner vos roses comme il a ridé mon front
Le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront
Il saura faner vos roses comme il a ridé mon front

Le même cours des planètes règle nos jours et nos nuits
On m’a vu ce que vous êtes vous serez ce que je suis
Le même cours des planètes règle nos jours et nos nuits
On m’a vu ce que vous êtes vous serez ce que je suis

Réponse à Corneille, de Tristan Bernard

Peut-être que je serai vieille répond Marquise cependant
J’ai vingt-six ans mon vieux Corneille et je t’emmerde en attendant
J’ai vingt-six ans mon vieux Corneille et je t’emmerde en attendant

Musique de G. Brassens, 1962

Marquise – Didier Delahaye, 2023

VII (1962)
Jeanne Joan Of Heart
Dans l’eau de la claire fontaine In Forest Pond
La guerre de 14-18 WW I
Les amours d’antan
Marquise
L’assassinat Manslaughter
La complainte des filles de joie Ladies Of Pleasure’s Lament

Le mécréant

Est-il en notre temps rien de plus odieux
De plus désespérant, que de n’pas croire en Dieu?

J’voudrais avoir la foi, la foi d’mon charbonnier
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.

Mon voisin du dessus, un certain Blaise Pascal
M’a gentiment donné ce conseil amical :

Mettez-vous à genoux, priez et implorez
Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez.

J’me mis à débiter, les rotules à terre
Tous les Ave Maria, tous les Pater Noster

Dans les rues, les cafés, les trains, les autobus
Tous les de profundis, tous les morpionibus

Sur ces entrefaites-là, trouvant dans les orties
Une soutane à ma taille, je m’en suis travesti

Et, tonsuré de frais, ma guitare à la main
Vers la foi salvatrice, je me mis en chemin

J’tombai sur un boisseau d’punaises de sacristie
Me prenant pour un autre, en chœur, elles m’ont dit

Mon père, chantez-nous donc quelque refrain sacré
Quelque sainte chanson dont vous avez l’secret

Grattant avec ferveur les cordes sous mes doigts
J’entonnai “le Gorille” avec “Putain de toi”

Criant à l’imposteur, au traître, au papelard
Elles veulent me faire subir le supplice d’Abélard

Je vais grossir les rangs des muets du sérail
Les belles ne viendront plus se pendre à mon poitrail

Grâce à ma voix coupée, j’aurai la place de choix
Au milieu des petits chanteurs à la croix d’bois

Attirée par le bruit, une dame de Charité
Leur dit Que faites-vous? Malheureuses, arrêtez !

Y a tant d’hommes aujourd’hui qui ont un penchant pervers
À prendre obstinément Cupidon à l’envers

Tant d’hommes dépourvus de leurs virils appâts
A ceux qui en ont encore ne les enlevons pas

Ces arguments massue firent une grosse impression
On me laissa partir avec des ovations

Mais, sur l’chemin du ciel, je n’ferai plus un pas
La foi viendra d’elle-même ou elle ne viendra pas

Je n’ai jamais tué, jamais violé non plus
Y a déjà quelque temps que je ne vole plus

Si l’Eternel existe, en fin de compte, il voit
Qu’je m’conduis guère plus mal que si j’avais la foi.

G. Brassens, 1960

Le mécréant – Didier Delahaye, 2023

VI (1961)
La traîtresse Traitress
Pénélope
L’orage Thunderstorm
Le mécréant
Le verger du roi Louis
Le temps passé Days Of Yore
La fille à cent sous Two-Bit Love

Les quat’z’arts

Les copains affligés, les copines en pleurs
La boîte à dominos enfouie sous les fleurs
Tout le monde équipé de sa tenue de deuil
La farce était bien bonne et valait le coup d’œil

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
L’enterrement paraissait officiel. Bravo!

Le mort ne chantait pas “Ah ! c’qu’on s’emmerde ici!”
Il prenait son trépas à cœur, cette fois-ci
Et les bonshomm’s chargés de la levée du corps
Ne chantaient pas non plus “Saint-Eloi bande encor !”

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Le macchabée semblait tout à fait mort. Bravo !

Ce n’étaient pas du tout des filles en tutu
Avec des fess’s à claque et des chapeaux pointus
Les commères choisies pour les cordons du poêle
Et nul ne leur criait “A poil ! A poil ! A poil !”

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Les pleureuses sanglotaient pour de bon. Bravo !

Le curé n’avait pas un goupillon factice
Un de ces goupillons en forme de phallus
Et quand il y alla de ses de profondis
L’enfant de chœur répliqua pas morpionibus

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Le curé venait pas de Camaret. Bravo !

On descendit la bière et je fus bien déçu
La blague maintenant frisait le mauvais goût
Car le mort se laissa jeter la terr’ dessus
Sans lever le couvercle en s’écriant “Coucou !”

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Le cercueil n’était pas à double fond. Bravo !

Quand tout fut consommé, je leur ai dit “Messieurs
Allons faire à présent la tournée des boxons !”
Mais ils m’ont regardé avec de pauvres yeux
Puis ils m’ont embrassé d’une étrange façon

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Leur compassion semblait venir du cœur. Bravo !

Quand je suis ressorti de ce champ de navets
L’ombre de l’ici-gît pas à pas me suivait
Une petite croix de trois fois rien du tout
Faisant, à elle seul’, de l’ombre un peu partout

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
Les revenants s’en mêlaient à leur tour. Bravo !

J’ai compris ma méprise un petit peu plus tard
Quand, allumant ma pipe avec le faire-part
J’m’aperçus que mon nom, comm’ celui d’un bourgeois
Occupait sur la liste une place de choix

Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
J’étais le plus proch’ parent du défunt. Bravo !

Adieu ! les faux tibias, les crânes de carton
Plus de marche funèbre au son des mirlitons
Au grand bal des quat’z’arts nous n’irons plus danser
Les vrais enterrements viennent de commencer

Nous n’irons plus danser au grand bal des quat’z’arts
Viens, pépère, on va se ranger des corbillards
Nous n’irons plus danser au grand bal des quat’z’arts
Viens, pépère, on va se ranger des corbillards

G. Brassens, 1964

Les 4 z’arts – Didier Delahaye, 2023

VIII (1964)
Les copains d’abord Buddies All Aboard
Les Quat’z’arts
Le petit joueur de flûteau The Little Piper
La tondue Shear Terror
Le 22 septembre September 12
Les deux oncles
La route aux quatre chansons
Saturne Fall Flower

Ballade des Dames du temps jadis

Poème de François Villon, 1461
Musique: Georges Brassens, 1952

Dites-moi où, n’en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine.
Mais où sont les neiges d’antan ?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la reine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine?
Mais où sont les neiges d’antan ?

La reine Blanche comme lis,
Qui chantait à voix de seraine,
Berthe au grang pied, Bietris, Alix,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine,
Qu’Anglois brûlèrent en Rouen,
Où sont-ils, Vierge souveraine?
Mais où sont les neiges d’antan ?

Prince, n’enquerrez de semaine
Où elles sont, ne de cet an,
Qu’à ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d’antan ?

I (1952)
La mauvaise réputation Bad Rep
Le fossoyeur Gravedigger
Le gorille The Gorilla
Ballade des dames du temps jadis
Le parapluie The Umbrella
La marine L’amour marin
Corne d’Aurochs Beefalo Bill
Il suffit de passer le pont

Liens

Associations et autres

Quelques interprètes

Cupidon s’en fout

Pour changer en amour notre amourette
Il s’en serait pas fallu de beaucoup
Mais ce jour là Vénus était distraite
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

Des jours où il joue les mouches du coche
Où elles sont émoussées dans le bout
Les flèches courtoises qu’il nous décoche
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

Se consacrant à d’autres imbéciles
Il n’eut pas l’heur de s’occuper de nous
Avec son arc et tous ses ustensiles
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

On a tenté sans lui d’ouvrir la fête
Sur l’herbe tendre on s’est roulés mais vous
Avez perdu la vertu, pas la tête
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

Si vous m’avez donné toute licence
Le cœur, hélas, n’était pas dans le coup
Le feu sacré brillait par son absence
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

On effeuilla vingt fois la marguerite
Elle tomba vingt fois sur «pas du tout».
Et notre pauvre idylle a fait faillite
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

Quand vous irez au bois conter fleurette
Jeunes galants, le ciel soit avec vous
Je n’eus pas cette chance et le regrette
Il est des jours où Cupidon s’en fout.

G. Brassens, 1976

Cupidon s’en fout – Didier Delahaye, 2011

XII (1976)
Les ricochets Skippin’ Stones
Don Juan Casanova
Cupidon s’en fout
Histoire de faussaire Blues for Martha
Mélanie Melanie

Les Philistins

Poème de Jean Richepin, tiré de la Chanson des Gueux, 1876
Musique de Georges Brassens, 1956

Philistins, épiciers
Tandis que vous caressiez
Vos femmes

En songeant, aux petits
Que vos grossiers appétits
Engendrent

Vous pensiez, “Ils seront
Menton rasé, ventre rond
Notaires”

Mais pour bien vous punir
Un jour vous voyez venir
Sur terre

Des enfants non voulus
Qui deviennent chevelus
Poètes

Vous pensiez, “Ils seront
Menton rasé, ventre rond
Notaires”

Mais pour bien vous punir
Un jour vous voyez venir
Sur terre

Des enfants non voulus
Qui deviennent chevelus
Poètes

Les Philistins – Didier Delahaye, 2012

La princesse et le croque-notes

Jadis au lieu du jardin que voici
C’était la zone et tout ce qui s’ensuit
Des masures, des taudis insolites
Des ruines pas romaines pour un sou
Quant à la faune habitant là dessous
C’était la fine fleur, c’était l’élite.

La fine fleur, l’élite du pavé
Des besogneux, des gueux, des réprouvés
Des mendiants rivalisant de tares
Des chevaux de retour, des propre-à-rien
Ainsi qu’un croque-notes, un musicien
Une épave accrochée à sa guitare.

Adoptée par ce beau monde attendri
Une petite fée avait fleuri
Au milieu de toute cette bassesse
Comme on l’avait trouvée près du ruisseau
Abandonnée en un somptueux berceau
A tout hasard on l’appelait princesse.

Or un soir, Dieu du ciel protégez-nous !
La voilà qui monte sur les genoux
Du croque-notes et doucement soupire
En rougissant quand même un petit peu
C’est toi que j’aime et si tu veux tu peux
M’embrasser sur la bouche et même pire.

Tout beau princesse, arrête un peu ton tir
J’ai pas tellement l’étoffe du satyre
Tu as treize ans, j’en ai trente qui sonnent
Gross’ différence et je ne suis pas chaud
Pour tâter d’ la paille humid’ du cachot
Mais, croque-notes, j’ dirai rien à personne.

N’insiste pas, fit-il d’un ton railleur
D’abord tu n’es pas mon genre et d’ailleurs
Mon cœur est déjà pris par une grande
Alors princesse est partie en courant
Alors princesse est partie en pleurant
Chagrine qu’on ait boudé son offrande.

Y a pas eu détournement de mineure
Le croque-notes au matin de bonne heure
A l’anglaise a filé dans la charrette
Des chiffonniers en grattant sa guitare
Passant par là, quelque vingt ans plus tard
Il a le sentiment qu’il le regrette.

G. Brassens, 1972

XI (1972)
Mourir pour des idées Dying For A Cause
Le Roi Tush
Quatre-vingt-quinze pour cent Nine Times Out Of Ten
Sauf le respect que je vous dois Pardon my French
Stances à un cambrioleur
La princesse et le croque-note
Fernande Eleanor
Les passantes

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