La route aux quatre chansons

J’ai pris la route de Dijon
Pour voir un peu la Marjolaine
La belle digue digue don
Qui pleurait près de la fontaine
Mais elle avait changé de ton
Il lui fallait des ducatons
Dedans son bas de laine
Pour n’avoir plus de peine
Elle m’a dit tu viens chéri
Et si tu me payes un bon prix
Aux anges je t’emmène
Digue digue don daine

La Marjolaine pleurait surtout
Quand elle n’avait pas de sous
La Marjolaine de la chanson
Avait de plus nobles façons

J’ai passé le pont d’Avignon
Pour voir un peu les belles dames
Et les beaux messieurs tous en rond
Qui dansaient dansaient corps et âmes
Mais ils avaient changé de ton
Ils faisaient fi des rigodons
Menuets et pavanes
Tarentelles sardanes
Et les belles dames m’ont dit ceci
Étranger sauve-toi d’ici
Ou l’on donne l’alarme
Aux chiens et aux gendarmes

Quelle mouche les a donc piquées
Ces belles dames si distinguées
Les belles dames de la chanson
Avaient de plus nobles façons

Je m’suis fait faire prisonnier
Dans les vieilles prisons de Nantes
Pour voir la fille du geôlier
Qui paraît-il est avenante
Mais elle avait changé de ton
Quand j’ai demandé que dit-on
Des affaires courantes
Dans la ville de Nantes
La mignonne m’a répondu
On dit que vous serez pendu
Aux matines sonnantes
Et j’en suis bien contente

Les geôlières n’ont plus de coeur
Aux prisons de Nantes et d’ailleurs
La geôlière de la chanson
Avait de plus nobles façons

Voulant mener à bonne fin
Ma folle course vagabonde
Vers mes pénates je revins
Pour dormir auprès de ma blonde
Mais elle avait changé de ton
Avec elle sous l’édredon
Il y avait du monde
Dormant près de ma blonde
J’ai pris le coup d’un air blagueur
Mais en cachette dans mon coeur
La peine était profonde
L’chagrin lâchait la bonde

Hélas du jardin de mon père
La colombe s’est fait la paire
Par bonheur par consolation
Me sont restées les quatre chansons.

Depuis longtemps une de mes favorites, c’est la chanson que j’ai convaincu d’adorables acolytes à chanter avec moi pour une première apparition sur la scène du Centre des Arts du Yukon, il y a 20 ans passés…

VIII (1964)
Les copains d’abord Buddies All Aboard
Les Quat’z’arts
Le petit joueur de flûteau The Little Piper
La tondue Shear Terror
Le 22 septembre September 12
Les deux oncles
La route aux quatre chansons
Saturne Fall Flower

Les deux oncles

C’était l’oncle Martin, c’était l’oncle Gaston
L’un aimait les Tommies, l’autre aimait les Teutons
Chacun pour ses amis, tous les deux ils sont morts
Moi qui n’aimais personne, eh bien ! je vis encor

Maintenant, chers tontons, que les temps ont coulé
Que vos veuves de guerre ont enfin convolé
Que l’on a requinqué, dans le ciel de Verdun
Les étoiles ternies du maréchal Pétain

Maintenant que vos controverses se sont tues
Qu’on s’est bien partagé les cordes des pendus
Maintenant que John Bull nous boude, maintenant
Que c’en est fini des querelles d’Allemand

Que vos filles et vos fils vont, main dans la main
Faire l’amour ensemble et l’Europe de demain
Qu’ils se soucient de vos batailles presque autant
Que l’on se souciait des guerres de Cent Ans

On peut vous l’avouer maintenant, chers tontons
Vous l’ami les Tommies, vous l’ami des Teutons
Que de vos vérités, vos contrevérités
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité

De vos épurations, vos collaborations
Vos abominations et vos désolations
De vos plats de choucroute et vos tasses de thé
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité

En dépit de ces souvenirs qu’on commémore
Des flammes qu’on ranime aux monuments aux Morts
Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous
Révérence parler, tout le monde s’en fout

La vie, comme dit l’autre, a repris tous ses droits
Elles ne font plus beaucoup d’ombre, vos deux croix
Et, petit à petit, vous voilà devenus
L’Arc de Triomphe en moins, des soldats inconnus

Maintenant, j’en suis sûr, chers malheureux tontons
Vous l’ami des Tommies, vous l’ami des Teutons
Si vous aviez vécu, si vous étiez ici
C’est vous qui chanteriez la chanson que voici

Chanteriez en trinquant ensemble à vos santés
Qu’il est fou de perdre la vie pour des idées
Des idées comme ça qui viennent et qui font
Trois petits tours, trois petits morts, et puis s’en vont

Qu’aucune idée sur terre n’est digne d’un trépas
Qu’il faut laisser ce rôle à ceux qui n’en ont pas
Que prendre sur-le-champ l’ennemi comme il vient
C’est de la bouillie pour les chats et pour les chiens

Qu’au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi
Mieux vaut attendre un peu qu’on le change en ami
Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main
Mieux vaut toujours remettre une salve à demain

Que les seuls généraux qu’on doit suivre aux talons
Ce sont les généraux des p’tits soldats de plomb
Ainsi chanteriez-vous tous les deux en suivant
Malbrough qui va-t-en guerre au pays des enfants

O vous qui prenez aujourd’hui la clé des cieux
Vous les heureux coquins qui ce soir verrez Dieu
Quand vous rencontrerez mes deux oncles là-bas
Offrez-leur de ma part ces “Ne m’oubliez pas”

Ces deux myosotis fleuris dans mon jardin
Un p’tit forget me not pour mon oncle Martin
Un p’tit vergiss mein nicht pour mon oncle Gaston
Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons…

G. Brassens, 1964

Chanson de Georges Brassens qui fit polémique à sa sortie en 1964 et continue de le faire. Mettons de côté l’allégorie controversée, le message reste hélas d’actualité: ce n’est pas 6 pieds sous terre que les différends seront réglés et que l’homme va progresser. Il n’en trouve pas moins et toujours raison de s’entretuer. On n’en finit pas, chantons-le sous les toits.

VIII (1964)
Les copains d’abord Buddies All Aboard
Les Quat’z’arts
Le petit joueur de flûteau The Little Piper
La tondue Shear Terror
Le 22 septembre September 12
Les deux oncles
La route aux quatre chansons
Saturne Fall Flower

La religieuse

Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette
Si le chrétien succombe à son charme insidieux
Le païen le plus sûr, l’athée le plus honnête
Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu
Et les enfants de chœur font tinter leur sonnette…

Il paraît que, dessous sa cornette fatale
Qu’elle arbore à la messe avec tant de rigueur
Cette petite sœur cache, c’est un scandale
Une queue de cheval et des accroche-cœurs
Et les enfants de chœur s’agitent dans les stalles…

Il paraît que, dessous son gros habit de bure
Elle porte coquettement des bas de soie
Festons, frivolités, fanfreluches, guipures
Enfin tout ce qu’il faut pour que le diable y soit
Et les enfants de chœur ont des pensées impures…

Il paraît que le soir, en voici bien d’une autre
A l’heure où ses consœurs sont sagement couchées
Ou débitent pieusement des patenôtres
Elle se déshabille devant sa psyché
Et les enfants de chœur ont la fièvre, les pauvres…

Il paraît qu’à loisir elle se mire nue
De face, de profil, et même, hélas, de dos
Après avoir, sans gêne, accroché sa tenue
Aux branches de la croix comme au portemanteau
Chez les enfants de chœur le malin s’insinue…

Il paraît que, levant au ciel un œil complice
Elle dit : Bravo, Seigneur, c’est du joli travail
Puis qu’elle ajoute avec encor plus de malice
La cambrure des reins, ça, c’est une trouvaille
Et les enfants de chœur souffrent un vrai supplice…

Il paraît qu’à minuit, bonne mère, c’est pire
On entend se mêler, dans d’étranges accords
La voix énamourée des anges qui soupirent
Et celle de la sœur criant Encor! Encor!
Et les enfants de chœur, les malheureux, transpirent…

Et monsieur le curé, que ces bruits turlupinent
Se dit avec raison que le brave Jésus
Avec sa tête, hélas, déjà chargée d’épines
N’a certes pas besoin d’autre chose dessus
Et les enfants de chœur, branlant du chef, opinent…

Tout ça, c’est des faux bruits, des ragots, des sornettes
De basses calomnies par Satan répandues
Pas plus d’accroche-cœurs sous la blanche cornette
Que de queue de cheval, mais un crâne tondu
Et les enfants de chœur en font, une binette…

Pas de troubles penchants dans ce cœur rigoriste
Sous cet austère habit pas de rubans suspects
On ne verra jamais la corne au front du Christ
Le veinard sur sa croix peut s’endormir en paix
Et les enfants de chœur se masturber, tout tristes…

G. Brassens, 1969

X (1969)
Misogynie à part Misogyny Aside
Bécassine Lucie Lassie
L’ancêtre Old-Timer
Rien à jeter Nothing To Throw Away
La religieuse

Les amours d’antan

Moi, mes amours d’antan c’était de la grisette
Margot, la blanche caille, et Fanchon, la cousette
Pas la moindre noblesse, excusez-moi du peu
C’étaient, me direz-vous, des grâces roturières
Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière
Mon prince, on a les dam’s du temps jadis qu’on peut.

Car le cœur à vingt ans se pose où l’œil se pose
Le premier cotillon venu vous en impose
La plus humble bergère est un morceau de roi
Ça manquait de marquise, on connut la soubrette
Faute de fleur de lys on eut la pâquerette
Au printemps Cupidon fait flèche de tout bois.

On rencontrait la belle aux Puces, le dimanche
“Je te plais, tu me plais…” et c’était dans la manche
Et les grands sentiments n’étaient pas de rigueur
“Je te plais, tu me plais. Viens donc beau militaire”
Dans un train de banlieue on partait pour Cythère
On n’était pas tenu même d’apporter son cœur…

Mimi, de prime abord, payait guère de mine
Chez son fourreur sans doute on ignorait l’hermine
Son habit sortait point de l’atelier d’un dieu
Mais quand, par-dessus le moulin de la Galette
Elle jetait pour vous sa parure simplette
C’est Psyché tout entier’ qui vous sautait aux yeux.

Au second rendez-vous y’ avait parfois personne
Elle avait fait faux bond, la petite amazone
Mais l’on ne courait pas se pendre pour autant
La marguerite commence avec Suzette
On finissait de l’effeuiller avec Lisette
Et l’amour y trouvait quand même son content.

C’étaient, me direz-vous, des grâces roturières
Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière
Mais c’étaient mes amours, excusez-moi du peu
Des Manon, des Mimi, des Suzon, des Musette
Margot la blanche caille, et Fanchon, la cousette
Mon prince, on a les dam’s du temps jadis qu’on peut.

G. Brassens, 1962

VII (1962)
Jeanne Joan Of Heart
Dans l’eau de la claire fontaine In Forest Pond
La guerre de 14-18 WW I
Les amours d’antan
Marquise
L’assassinat Manslaughter
La complainte des filles de joie Ladies Of Pleasure’s Lament

Les lilas

Quand je vais chez la fleuriste
Je n’achèt’ que des lilas
Si ma chanson chante triste
C’est que l’amour n’est plus là.

Comm’ j’étais, en quelque sorte
Amoureux de ces fleurs-là
Je suis entré par la porte
Par la porte des Lilas.

Des lilas, y’en avait guère
Des lilas, y’en avait pas
Z’étaient tous morts à la guerre
Passés de vie à trépas.

J’suis tombé sur une belle
Qui fleurissait un peu là
J’ai voulu greffer sur elle
Mon amour pour les lilas.

J’ai marqué d’une croix blanche
Le jour où l’on s’envola
Accrochés à une branche
Une branche de lilas.

Pauvre amour, tiens bon la barre
Le temps va passer par là
Et le temps est un barbare
Dans le genre d’Attila.

Aux cœurs où son cheval passe
L’amour ne repousse pas
Aux quatre coins de l’espace
Il fait l’ désert sous ses pas.

Alors nos amours sont mortes
Envolées dans l’au-delà
Laissant la clé sous la porte
Sous la porte des Lilas.

La fauvette des dimanches
Cell’ qui me donnait le la
S’est perchée sur d’autres branches
D’autres branches de lilas.

Quand je vais chez la fleuriste
Je n’achèt’ que des lilas
Si ma chanson chante triste
C’est que l’amour n’est plus là.

G. Brassens, 1957

IV (1955-1957)
Je m’suis fait tout p’tit For A Little Doll
L’amandier The Cherry Tree
Oncle Archibald Uncle Archie
Les lilas
Au bois de mon cœur In My Heart’s Backyard
Celui qui a mal tourné One Bad Egg
Les Philistins

Le vent

Refrain:
Si, par hasard
Sur l’Pont des Arts
Tu croises le vent, le vent fripon
Prudenc’, prends garde à ton jupon
Si, par hasard
Sur l’Pont des Arts
Tu croises le vent, le vent maraud
Prudent, prends garde à ton chapeau

Les jean-foutre et les gens probes
Médis’nt du vent furibond
Qui rebrouss’ les bois, détrouss’ les toits, retrouss’ les robes
Des jean-foutre et des gens probes
Le vent, je vous en réponds
S’en soucie, et c’est justic’, comm’ de colin-tampon
Refrain

Bien sûr, si l’on ne se fonde
Que sur ce qui saute aux yeux
Le vent semble une brut’ raffolant de nuire à tout l’monde
Mais une attention profonde
Prouv’ que c’est chez les fâcheux
Qu’il préfèr’ choisir les victimes de ses petits jeux
Refrain

G. Brassens, 1954

II (1953)
Les amoureux des bancs publics Park Bench Lovers
Brave Margot Margot The Milkmaid
Pauvre Martin Poor Ole Martin
La première fille The First Girl
Je suis un voyou A Rogue I Am
J’ai rendez-vous avec vous
Le vent
Il n’y a pas d’amour heureux There Is No Happy Love
La mauvaise herbe Tumbleweed
Le mauvais sujet repenti The Bottom Line
Putain de toi Ho Be Thee

Les Passantes

Poème d’Antoine Pol, extrait des Emotions Poétiques, 1918
Adapté et mis en musique par G. Brassens, 1972

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu’on connaît à peine
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais.

A celle qu’on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui.

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main.

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d’un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant

Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu’on n’a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir.

XI (1972)
Mourir pour des idées Dying For A Cause
Le Roi Tush
Quatre-vingt-quinze pour cent Nine Times Out Of Ten
Sauf le respect que je vous dois Pardon my French
Stances à un cambrioleur
La princesse et le croque-note
Fernande Eleanor
Les passantes

Gastibelza

Poème de Victor Hugo tiré de “Guitare”, pièce XXII du recueil  Les rayons et les ombres (1837)

Gastibelza, l’homme à la carabine
Chantait ainsi
Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine
Quelqu’un d’ici
Chantez, dansez, villageois, la nuit gagne
Le mont Falu
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Quelqu’un de vous a-t-il connu Sabine
Ma señora
Sa mère était la vieille maugrabine
D’Antequera
Qui chaque nuit criait dans la tour Magne
Comme un hibou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Vraiment la reine eût près d’elle été laide
Quand vers le soir
Elle passait sur le pont de Tolède
En corset noir
Un chapelet du temps de Charlemagne
Ornait son cou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Le roi disait en la voyant si belle
A son neveu
Pour un baiser, pour un sourire d’elle
Pour un cheveu
Infant don Ruy, je donnerais l’Espagne
Et le Pérou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Je ne sais pas si j’aimais cette dame
Mais je sais bien
Que pour avoir un regard de son âme
Moi, pauvre chien
J’aurais gaîment passé dix ans au bagne
Sous les verrous
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre
De ce canton
Je croyais voir la belle Cléopâtre
Qui, nous dit-on
Menait César, empereur d’Allemagne
Par le licou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe
Sabine, un jour
A tout vendu, sa beauté de colombe
Tout son amour
Pour l’anneau d’or du comte de Saldagne
Pour un bijou
Le vent qui vient à travers la montagne
M’a rendu fou.

G. Brassens, 1954

III (1954)
Chanson pour l’Auvergnat Song For An Earth Angel
Les sabots d’Hélène Marcy’s Wooden Clogs
Marinette Brigit
Auprès de mon arbre
Gastibelza
Le testament Last Will
Le nombril des femmes d’agents Ladycop’s Bellybutton
Les croquants Plutocrats

Auprès de mon arbre

J’ai plaqué mon chêne
Comme un saligaud
Mon copain le chêne
Mon alter ego
On était du même bois
Un peu rustique un peu brute
Dont on fait n’importe quoi
Sauf naturellement les flûtes
J’ai maint’nant des frênes
Des arbr’s de Judée
Tous de bonne graine
De haute futaie
Mais toi tu manques à l’appel
Ma vieille branche de campagne
Mon seul arbre de Noël
Mon mât de cocagne.

Refrain:
Auprès de mon arbre
Je vivais heureux
J’aurais jamais dû m’éloigner d’ mon arbre
Auprès de mon arbre
Je vivais heureux
J’aurais jamais dû le quitter des yeux.

Je suis un pauvr’ type
J’aurais plus de joie
J’ai jeté ma pipe
Ma vieill’ pipe en bois
Qu’avait fumé sans s’fâcher
Sans jamais m’brûler la lippe
L’ tabac d’ la vache enragée
Dans sa bonn’ vieill’ têt’ de pipe
J’ai des pipes d’écume
Ornées de fleurons
De ces pipes qu’on fume
En levant le front
Mais j’ retrouv’rai plus ma foi
Dans mon coeur ni sur ma lippe
Le goût d’ ma vieill’ pip’ en bois
Sacré nom d’un’ pipe.
Refrain

Le surnom d’infâme
Me va comme un gant
D’avecques ma femme
J’ai foutu le camp
Parc’ que depuis tant d’années
C’était pas une sinécure
De lui voir tout l’ temps le nez
Au milieu de la figure
Je bats la campagne
Pour dénicher la
Nouvelle compagne
Valant celle-là
Qui bien sûr laissait beaucoup
Trop de pierr’s dans les lentilles
Mais se pendait à mon cou
Quand j’ perdais mes billes.
Refrain

J’avais un’ mansarde
Pour tout logement
Avec des lézardes
Sur le firmament
Je l’ savais par coeur depuis
Et pour un baiser la course
J’emmenais mes bell’s de nuits
Faire un tour sur la grande ourse
J’habit’ plus d’ mansarde
Il peut désormais
Tomber des hall’bardes
Je m’en bats l’oeil mais
Mais si quelqu’un monte aux cieux
Moins que moi j’y paie des prunes
Y a cent sept ans qui dit mieux
Qu’ j’ai pas vu la lune!
Refrain

G. Brassens, 1955

III (1954)
Chanson pour l’Auvergnat Song For An Earth Angel
Les sabots d’Hélène Marcy’s Wooden Clogs
Marinette Brigit
Auprès de mon arbre
Gastibelza
Le testament Last Will
Le nombril des femmes d’agents Ladycop’s Bellybutton
Les croquants Plutocrats

Pénélope

Toi l’épouse modèle, le grillon du foyer
Toi qui n’as point d’accroc dans ta robe de mariée
Toi l’intraitable Pénélope
En suivant ton petit bonhomme de bonheur
Ne berces-tu jamais en tout bien tout honneur
De jolies pensées interlopes
De jolies pensées interlopes ?

Derrière tes rideaux dans ton juste milieu
En attendant l’retour d’un Ulysse de banlieue
Penchée sur tes travaux de toile
Les soirs de vague à l’âme et de mélancolie
N’as-tu jamais en rêve au ciel d’un autre lit
Compté de nouvelles étoiles
Compté de nouvelles étoiles ?

N’as-tu jamais encore appelé de tes vœux
L’amourette qui passe qui vous prend aux cheveux
Qui vous conte des bagatelles
Qui met la marguerite au jardin potager
La pomme défendue aux branches du verger
Et le désordre à vos dentelles
Et le désordre à vos dentelles ?

N’as-tu jamais souhaité de revoir en chemin
Cet ange, ce démon qui son arc à la main
Décoche des flèches malignes
Qui rend leur chair de femme aux plus froides statues
Les bascul’ de leur socle, bouscule leur vertu
Arrache leur feuille de vigne
Arrache leur feuille de vigne ?

N’aie crainte que le ciel ne t’en tienne rigueur
Il n’y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur
Qui bat la campagne et galope
C’est la faute commune et le péché véniel
C’est la face cachée de la lune de miel
Et la rançon de Pénélope
Et la rançon de Pénélope.

Georges Brassens, 1960

VI (1961)
La traîtresse Traitress
Pénélope
L’orage Thunderstorm
Le mécréant
Le verger du roi Louis
Le temps passé Days Of Yore
La fille à cent sous Two-Bit Love